La moitié sud de la France, de Bordeaux à Nice et sous une ligne allant de La Rochelle à Lyon, est un désert en matière d’attelage de tradition. Depuis la disparition des concours de Pompadour et de Messimy, concours situés “ les plus au sud ” — mais peut-on sérieusement considérer la Corrèze et l’Ain, départements respectifs de ces lieux, comme des départements du Sud ? — seul subsiste dans cette vaste moitié sud le concours d’Aix-en-Provence. Or sa version 2015, mélangeant sport et tradition avec seulement treize meneurs dans cette discipline, semble avoir sonné le glas de la tradition, déjà si peu présente en pays méditerranéen.
Rappelons que les concours d’attelage de tradition sont une création de l’Association Française d’Attelage (AFA). Le premier d’entre eux fut organisé en 1994 à Saint-Agil dans le Loir-et-Cher. Aujourd’hui, le règlement français mis au point par l’AFA est adopté dans la plupart des pays européens.
Or, la détermination d’un meneur sportif, également défenseur de la tradition, pourrait modifier les choses. Depuis son arrivée en 2013 au haras national d’Uzès où il dirige l’école d’attelage, Louis Basty, fort de son expérience dans l’organisation de plusieurs concours de tradition au haras du Pin, rêve de développer la belle pratique de la tradition dans le Midi où règnent sans partage l’attelage sportif et l’attelage de loisir.
Le samedi 24 octobre, le site grandiose du Pont du Gard, le très célèbre aqueduc gallo-romain proche d’Uzès, a été le cadre d’une première rencontre entre la tradition et les meneurs régionaux, fervents adeptes de l’attelage sportif ou de l’attelage de loisir. Ce rassemblement était organisé par le haras national d’Uzès et l’Association Régionale d’Attelage du Languedoc-Roussillon (ARALR), en partenariat avec l’Etablissement Public de Coopération Culturelle gérant le site du Pont du Gard et avec la Société Les Chemins du Pont du Gard. Créée en 1981, l’ARALR est une des plus anciennes associations françaises d’attelage. Elle a, dans le passé, organisé deux championnats de France d’attelage à Castries, près de Montpellier, en 1989 et 1993.
L’enjeu de ce rassemblement était de faire découvrir les règles de base des concours de tradition à des meneurs sportifs. Pour ce faire, Louis Basty avait sollicité la participation de deux juges de l’AFA, Danièle Fancony et Francis Lemaître. Assumant avec grand sérieux leur mission d’initiation, ces derniers ont prodigué, au cours d’une préfiguration d’une épreuve de présentation, explications, renseignements, conseils, encouragements, tout en formulant des critiques concernant les points défectueux, en particulier le toilettage des chevaux et la propreté des harnais et des voitures. Dans ce domaine, des progrès restent à faire, malgré les efforts louables accomplis par des meneurs sportifs peu sensibilisés à l’importance de la présentation.
La manifestation comprenait une présentation des équipages, où aucune voiture moderne ou copie n’avait été admise, et deux épreuves de maniabilité, la première le matin, la seconde l’après-midi. Pour ces meneurs habitués aux tracés des concours sportifs, ces maniabilités furent un jeu d’enfant : quasiment tous les parcours ont été réalisés sans faute.
La participation de quatorze équipages — un attelage à cinq en grande arbalète, cinq attelages à quatre chevaux, six paires et deux attelages simples — a assuré un vrai succès à ce rassemblement.
Succès certes, mais en demi-teintes. Sur quatorze équipages, cinq provenaient des haras nationaux d’Uzès et de Besançon : l’attelage à cinq chevaux en grande arbalète, et quatre attelages à quatre chevaux, c’est-à-dire les plus spectaculaires. Autant dire que la manifestation a reposé en grande partie sur la participation massive des Haras nationaux mobilisés par Louis Basty.
Les deux juges AFA qui se sont montrés bienveillants dans un souci pédagogique et ont fait part de leur satisfaction quant au niveau général, eussent sans aucun doute noté ces mêmes attelages plus sévèrement dans le cadre d’un véritable concours de tradition appliquant le règlement AFA, maintenant international. Il est encore long le chemin vers un tel concours …
Jean-Louis Libourel